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même d’un État-Major. Infiniment plus enfin que pour son grade.

Nous sommes une génération sacrifiée. Nous ne sommes pas seulement des vaincus, une génération vaincue. Cela ne serait rien. Cela n’est rien. Il y a des défaites glorieuses, des désastres retentissants, plus assis, qui fixent mieux la gloire, plus beaux, plus admis, plus commémorés que n’importe quel triomphe. Mais notre défaite est la pire de toutes, une défaite obscure, et nous ne serons pas même méprisés : nous serons ignorés ; tout au plus nous serons peut-être grotesques. Il y a des défaites, Waterloo morne plaine, qui plus que des victoires, plus avantageusement, se fixent dans les mémoires des hommes, dans la commune mémoire de l’humanité. Nous serons mesquins, nous serons petits, nous serons ordinaires, nous serons moyens, ou plutôt nous ne serons pas du tout. On ne s’occupera pas de nous. Nous passerons inaperçus. Une défaite sans grandeur, liminaire, nous aura condamnés à ce silence éternel, temporellement éternel. Un silence régnera, un silence pèsera, le silence se fera sur nous. Ou plutôt il n’aura pas même à se faire. Il se fera, il se sera fait tout seul, de soi-même. Devant l’histoire ce n’est pas le silence qui aura jamais à donner, à se trouver des causes positives, des efficiences. Il est de règle et les déficiences suffisent. Pour l’établir. Il suffît que les déficiences jouent et laissent librement la place, donnent place libre, le peu de place qu’il y a, aux efficiences concurrentes. Nous ne serons jamais grands ; nous ne serons jamais connus ; nous ne serons jamais inscrits. Nous ne serons jamais grands. Nous ne serons pas de l’ordre même où il y a, où il peut y avoir de la grandeur, his-