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les historiens. Il faudra écrire jusqu’à cette date cette Histoire de la décomposition du dreyfusisme en France. Il faudra que cette Histoire elle-même ne soit que le dernier chapitre, le plus important hélas, et un chapitre sans fin, d’une très brève Histoire de l’affaire Dreyfus.

Cette décomposition commande toute notre vie, toute notre fortune, tout notre événement. On peut aller jusqu’à se demander si elle ne commandera point toute notre destinée. D’elle vient, d’elle date toute notre misère. C’est une grande pitié pour une génération, c’est une grande peine, c’est une grande misère, une déchéance infatigable que d’avoir débuté dans la vie par une aussi retentissante déception, par un aussi brutal, aussi brute désenchantement. Une génération peut ne pas s’en relever. Cette capitulation initiale, post-initiale de notre État-Major a commandé toute notre histoire. Elle l’a commandée jusqu’ici. Elle en a peut-être pris le commandement pour toujours. Elle la commandera peut-être sans retour, et sans reprise possible. Les maréchaux généralement trahissent. Même dans l’histoire militaire. Ils ne sont même faits que pour cela. Quelques-uns trahissent formellement. La plupart trahissent comme tout le monde, non moins réellement, au sens réel que nous donnons, que nous reconnaissons à ce mot. Mais nous avons touché un État-Major, nous pouvons nous vanter d’avoir touché un État-Major qui nous fit bonne mesure. Du premier coup, d’un seul, il passa la moyenne, et même le maximum. Il nous trahit, il trahit notre cause, la cause, hélas, qui nous était commune, ensemble avec lui, plus qu’il n’est raisonnablement permis, infiniment plus qu’il n’est dans l’office