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et l’harmonie, la justesse, une certaine tenue, l’intelligence et le bon français, la révolution et notre ancien socialisme, la vérité, le droit, la simple entente, le bon travail, le bel ouvrage, tout ce que nous avons soutenu, tout ce que nous avons défendu recule de jour en jour devant une barbarie, devant une inculture croissantes, devant l’envahissement de la corruption politique et sociale.

Ne nous le dissimulons pas : nous sommes des vaincus. Depuis dix ans, depuis quinze ans nous n’avons jamais fait que perdre du terrain. Aujourd’hui, dans la décroissance, dans la déchéance des mœurs politiques et privées, nous sommes littéralement des assiégés. Nous sommes dans une place en état de siège et plus que de blocus et tout le plat pays est abandonné, toute la plaine est aux mains de l’ennemi. Tous les champs. Comme disent nos vieilles chroniques, l’ennemi s’était mis par les champs.

Nul aujourd’hui, nul homme vivant ne nie, nul ne conteste, nul ne songe même à se dissimuler qu’il y a un désordre ; un désordre croissant et extrêmement inquiétant ; non point en effet un désordre apparent, un trouble de fécondité, qui recouvre un ordre à venir, mais un réel désordre d’impuissance et de stérilité ; nul ne nie plus ce désordre, le désarroi des esprits et des cœurs, la détresse qui vient, le désastre menaçant. Une débâcle.

C’est peut-être cette situation de désarroi et de détresse qui nous crée, plus impérieusement que jamais, le devoir de ne pas capituler. Il ne faut jamais capituler. Il le faut peut-être moins encore d’autant que la place est plus importante et plus isolée et qu’elle est