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anciennes sociétés, où celui qui produisait et celui qui achetait aimaient également et connaissaient la culture.

C’est comme si l’on concluait, de ce qu’un statuaire travaille dans le marbre, qu’évidemment c’est un homme très riche, puisqu’il travaille dans le marbre, et que le marbre est très cher. C’est ici le plus odieux raisonnement moderne, le contre-sens injurieux de la barbarie et de l’amateurisme. C’est le contraire. Si un statuaire est pauvre, et s’il faut qu’il achète son marbre, il tombe irrévocablement dans des misères sans fin. Il s’enfonce, il descend dans des misères descendantes sans fin.

Nous avons mis sur pied, nous avons soutenu à travers des dangers de toute sorte, à travers toutes les épreuves, à travers tous les accidents, à travers toutes les misères, la plus importante, la plus grosse entreprise de publication littéraire et autres, périodique et autres, qui ait été tentée pendant ces dix ans, et nous l’avons faite, et nous l’avons tenue sans jamais avoir un sou devant nous ; ce que tant de capitaux mêmes autour de nous n’ont pu faire, nous avons créé en dix ans une firme nouvelle, presque universellement connue, très généralement estimée, très bien cotée, universellement respectée, nous l’avons faite et nous l’avons maintenue sans jamais avoir un sou devant nous. Tout homme qui a quelque expérience des réalités économiques saura, pourra mesurer ce que représente une telle entreprise, et que c’est une véritable gageure. Mais il saura aussi, il mesurera ce que coûte une telle gageure, et de la tenir pendant dix ans, et où se prend ce que l’on ne prend pas à l’argent, ce que l’on ne demande