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L'état prend l'homme au berceau, l'immatricule sur les registres de l'état civil, l'emprisonne dans la famille s'il en a une, le livre à l'Assistance publique s'il est abandonné des siens, l'enserre dans le réseau de ses lois, règlements, défenses et obligations, en fait un sujet, un contribuable, un soldat, parfois un détenu ou un forçat ; enfin, en cas de guerre, un assassiné ou un assassin.

La propriété règne sur les objets : sol, sous-sol, moyens de production, de transport et d'échange, toutes ces valeurs d'origine et de destination communes sont peu à peu devenues, par la rapine, la conquête, le brigandage, le vol, la ruse ou l'exploitation, la chose d'une minorité. C'est l'autorité sur les choses, consacrée par la législation et sanctionnée par la force. C'est, pour le propriétaire, le droit d'user et d'abuser (jus utendi et abutendi), et, pour le non possédant l'obligation, s'il veut vivre, de travailler pour le compte et au profit de ceux qui ont tout volé. ("La propriété, dit Proudhon, c'est le vol."). Etablie par les spoliateurs et appuyée sur un mécanisme de violence extrêmement puissant, la loi consacre et maintient la richesse des uns et l'indigence des autres. L'autorité sur les objets : la propriété est à ce point criminelle et intangible que, dans les sociétés où elle est poussée jusqu'aux extrêmes limites de son développement, les riches peuvent tout à leur aise et impunément crever d'indigestion, tandis que, faute de travail, les pauvres meurent de faim. ("La richesse des uns, dit l'économiste libéral J.-B. Say, est faite de la misère des autres.").

La religion - Ce terme étant pris dans son sens le plus étendu et s'appliquant à tout ce qui est dogme - est la troisième forme de l'autorité. Elle s'appesantit sur l'esprit et la volonté ; elle enténèbre la pensée, elle déconcerte le jugement, elle ruine la raison, elle asservit la conscience. C'est toute la personnalité intellectuelle et morale de l'être humain qui en est l'esclave et la victime.

Le dogme religieux ou laïc - tranche de hauts, décrète brutalement, approuve ou blâme, prescrit ou défend sans appel : "Dieu le veut ou ne le veut pas. - La patrie l'exige ou l'interdit. - Le droit l'ordonne ou le condamne. - La morale et la justice le commandent ou le prohibent.".

Se prolongeant fatalement dans le domaine de la vie sociale, la religion crée, entretient et développe un état de conscience et une moralité en parfait accord avec la morale codifiée, gardienne et protectrice de la propriété et de l'Etat, dont elle se fait la complice et dont elle devient, ainsi, ce que, dans certains milieux férus de superstition, de chauvinisme, de légalité et d'autoritarisme, on appelle volontiers "la gendarmerie préventive et supplémentaire".

Je ne prétends point épuiser ici l'énumération de toutes les formes de l'autorité