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L'opinion la plus répandue, c'est que les anarchistes sont des haineux, des violents. Oui et non.

Les anarchistes ont des haines ; elles sont vivaces et multiples ; mais leurs haines ne sont que la conséquence logique, nécessaire, fatale de leurs amours. Ils ont la haine de la servitude, parce qu'ils ont l'amour de l'indépendance ; ils détestent le travail exploité, parce qu'ils défendent ardemment la vérité ; ils exècrent l'iniquité, parce qu'ils ont le culte du juste ; ils haïssent la guerre, parce qu'ils bataillent passionnément pour la paix.

Nous pourrions prolonger cette énumération et montrer que toutes les haines qui gonflent le cœur des anarchistes ont pour cause leur inébranlable attachement à leurs convictions, que ces haines sont légitimes et fécondes, qu'elles sont vertueuses et sacrées. Nous ne sommes pas naturellement haineux, nous sommes, au contraire, de cœur affectueux et sensible, de tempérament accessible à l'amitié, à l'amour, à la solidarité, à tout ce qui est de nature à rapprocher les individus.

Il ne saurait en être autrement, puisque le plus cher de nos rêves et notre but, c'est de supprimer tout ce qui dresse les hommes en une attitude de combat les uns contre les autres : propriété, gouvernement, Église, militarisme, police, magistrature.

Notre cœur saigne et notre conscience se révolte au contraste du dénuement et de l'opulence. Nos nerfs vibrent et notre cerveau s'insurge à la seule évocation des tortures que subissent ceux et celles qui, dans tous les pays et par millions, agonisent dans les prisons et les bagnes. Notre sensibilité frémit et tout notre être est pris d'indignation et de pitié, à la pensée des massacres, des sauvageries, des atrocités qui, par le sang des combattants abreuvent les champs de bataille.

Les haineux, ce sont les riches qui ferment les yeux au tableau de l'indigence qui les entoure et dont ils sont la cause ; ce sont les gouvernants qui, l'œil sec, ordonnent le carnage ; ce sont les exécrables profiteurs qui ramassent des fortunes dans le sang et la boue ; ce sont les chiens de police qui enfoncent leurs crocs dans la chair des pauvres diables ; ce sont les magistrats qui, sans sourciller, condamnent au nom de la loi et de la société, les infortunés qu'ils savent être les victimes de cette loi et de cette société.

Quant à l'accusation de violence dont on prétend nous accabler, il suffit, pour en faire justice, d'ouvrir les yeux et de constater que, dans le monde actuel comme dans les siècles écoulés, la violence gouverne, domine, broie et assassine. Elle est la règle, elle est hypocritement organisée et systématisée. Elle s'affirme tous les jours sous les espèces et apparences du percepteur, du propriétaire, du patron, du gendarme, du gardien de prison, du bourreau, de l'officier, tous professionnels, sous des formes multiples, de la force, de la violence, de la brutalité.

Les anarchistes veulent organiser l'entente libre, l'aide fraternelle, l'accord harmonieux.