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Depuis un demi-siècle, il s'est levé toute une pléiade de penseurs, d'écrivains et de propagandistes libertaires qui, par la parole, par la plume et par l'action, ont répandu, en toutes langues et en tous pays, la doctrine anarchiste, ses principes et ses méthodes ; en sorte que chacun devrait être à même d'adopter ou de repousser l'anarchisme, mais que personne, aujourd'hui, ne devrait l'ignorer.

C'est le sort de tous les porteurs de flambeau d'être abominablement calomniés et persécutés ; c'est le sort de toutes les doctrines sociales qui s'attaquent aux mensonges officiels et aux institutions en cours, d'être dénaturées, ridiculisées et combattues à l'aide des armes les plus odieuses.

Vers la fin du dix-huitième siècle, ce fut le cas des principaux ouvriers de la Révolution française et des principes sur lesquels ils prétendaient jeter les bases d'un monde nouveau ; pendant la première moitié du dix-neuvième siècle, qui assista à l'écrasement de la République "une et indivisible" par l'Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet, ce fut le cas des républicains, pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, qui vit éclore et se développer le triomphe de la démocratie qu'ils entendaient substituer au démocratisme bourgeois; à l'aurore du vingtième siècle qui enregistre l'accession des socialistes au pouvoir, il est fatal que les anarchistes soient calomniés et persécutés et que leurs conceptions, qui s'attaquent aux mensonges et aux institutions en cours, soient dénaturées, ridiculisées et combattues par les moyens les plus perfides.

Mais c'est le devoir des annonciateurs de la vérité nouvelle de confondre la calomnie et d'opposer aux coups incessants du mensonge la constante riposte de la vérité. Et, puisque les imposteurs et les ignorants - ceux-ci sous l'influence de ceux-là - s'obstinent à vilipender nos sentiments et à travestir nos conceptions, je crois nécessaire d'exposer, en un raccourci aussi net que possible : qui nous sommes, ce que nous voulons et quel est notre idéal révolutionnaire.

Qui sommes-nous ?

On se fait des anarchistes, comme individus, l'idée la plus fausse. Les uns nous considèrent comme d'inoffensifs utopistes, de doux rêveurs ; ils nous traitent d'esprits chimériques, d'imaginations biscornues, autant dire de demi fous. Ceux-là daignent voir en nous des malades que les circonstances peuvent rendre dangereux, mais non des malfaiteurs systématiques et conscients.

Les autres portent sur nous un jugement très différent : ils pensent que les anarchistes sont des brutes ignares, des haineux, des violents et des forcenés, contre lesquels on ne saurait trop se prémunir, ni exercer une répression trop implacable.

Les uns et les autres sont dans l'erreur.