— Voyez-vous ça ! dit le capitaine en ouvrant de grands yeux ; alors c’est toi qui m’as soigné.
— Jean m’a secondé tout le temps. »
Le capitaine ne répondit pas tout de suite, il recueillait ses idées et semblait réfléchir profondément.
Quand il eut bien ruminé, il fit signe à sa nièce de s’approcher.
« Est-ce que nous sommes seuls ?
— Oui, mon oncle.
— Qu’est-ce que j’ai eu ? Dis-moi cela franchement.
— La fièvre et le délire.
— Et qu’est-ce que j’ai dit ? Il la regardait avec des yeux inquiets.
— Vous avez parlé de Kabyles, de cactus, de hyènes, de sentinelles perdues.
— Bon ! et puis ?
— Et puis c’est tout. Mais, mon cher oncle, le docteur a défendu de vous laisser parler quand le délire serait passé. »
Le malade fit semblant de se soumettre à la consigne ; il ferma les yeux. Mais il ne dormait pas, car il s’aperçut que Jean rentrait et que sa mère lui parlait tout bas. Elle sortit bientôt, laissant l’oncle à la garde du neveu.
Au bout d’un instant, le bonnet de coton du capitaine s’agita sur l’oreiller, et sa voix, une bien pauvre et bien faible voix, fit entendre ces mots :
« Jean, es-tu là ?
— Oui, mon oncle.
— Avance à l’ordre ! » Jean s’avança.
— Regarde-moi bien en face : tu as été là tout le temps ?
— Oui, mon oncle.
— Qu’est-ce que j’ai dit ?
Jean hésita un instant, mais le regard du capitaine était si expressif, qu’il comprit très-bien sa pensée.
« Vous avez parlé d’un jeune garçon…
— C’est cela, nous y voilà.
— … À qui vos histoires avaient tourné la tête.
— C’est parfaitement cela.
— Et qui ferait de la peine à ses parents s’il voulait être soldat.
— C’est cela. Eh bien, vois-tu, mon garçon, aussi vrai que…
— Ne parlez pas, mon oncle, ne vous fatiguez pas. Je sais ce que vous voulez dire, et voici ce que je vous réponds. Ce garçon ne