— Non ; il s’est évadé de Saint-Pétersbourg ; mais sa maîtresse, la vieille miss Watson, est morte il y a deux mois, et dans son testament elle l’a affranchi.
— Vous le connaissiez donc tous les deux ?
— Parbleu !
— Alors pourquoi ne l’as-tu pas averti tout de suite, puisque tu savais qu’il était affranchi ?
— Parce qu’il n’y aurait plus eu d’aventure. Jim serait sorti tranquillement de son cachot, et on ne trouve pas souvent un prisonnier à faire évader… Tante Polly !
Oui, c’était tante Polly qui venait d’ouvrir la porte. Sa sœur commença par lui sauter au cou et, avant qu’elle eût eu le temps de se retourner, j’étais sous le lit. Les embrassades ne durèrent pas longtemps, car bientôt j’entendis une voix qui disait :
— Ah ! tu n’oses pas me regarder en face, Tom, et cela ne m’étonne pas. J’en ai appris de belles sur ton compte !
— Mais c’est Sid, s’écria Mme Phelps. Tom était là il y a un instant. Où donc a-t-il passé ?
— Tu veux dire Huck Finn, répliqua tante Polly. Je n’ai pas élevé un mauvais garnement comme mon Tom pour ne pas le reconnaître… Sors de là, Huck !
C’est ce que je fis au moment où M. Phelps apparaissait à son tour et on finit par se débrouiller un peu. Tom eut beau prendre ma défense — comme il avait eu la chance d’être blessé, ce fut moi qui fus le plus malmené.
— Voyons, dit-il, Huck ne vous a pas trompée, tante Sally. Il voulait seulement délivrer Jim, et c’est vous qui l’avez pris pour moi. Sans mon arrivée au bon moment, il n’y aurait pas eu d’aventure.
— Non, ajoutai-je, et si j’avais su que Jim était libre, il n’y aurait pas eu de coups de fusil non plus, madame Phelps.
— Là, tu peux continuer à m’appeler tante Sally, répondit Mme Phelps, j’y suis habituée.