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d’en haut et ne se décrocha qu’en brisant un éclat de bois. Il n’en fallut pas davantage pour nous prouver que l’on était déjà en embuscade, car une voix cria :

— Qui va là ? Répondez, ou je tire.

Personne ne répondit, et sauve qui peut ! Pan ! paf ! pan ! Trois coups de feu retentirent. Décidément, les sentinelles y allaient bon jeu, bon argent.

— Les voilà ! Nous les tenons ! Lâchez les chiens !

Ils ne nous tenaient pas encore. Nous les entendions, parce qu’ils avaient des bottes et criaient à tue-tête ; mais nous avions retiré nos chaussures et nous nous gardions bien de souffler mot. Nous suivions le sentier qui menait à la scierie et, quand le bruit se rapprocha, nous nous blottîmes derrière un buisson pour les laisser passer. Les chiens, que l’on avait enfermés afin de mieux surprendre les Ravageurs, arrivèrent en aboyant. Les deux ou trois premiers s’arrêtèrent à peine — le temps de nous donner le bonjour — et la meute reprit sa course pour rejoindre les braillards.

— Bon, dis-je à Tom, ils ont dépassé la scierie ; ils sont sur une fausse piste. Au canot ! Coupons à travers bois avant qu’ils reviennent.

Tom s’était assis sur l’herbe.

— Jim, demanda-t-il au nègre, pourrais-tu me porter sur tes épaules jusqu’au canot ? C’est une course de dix minutes. Huck te guidera.

— Je vous porterais pendant une journée, massa Tom, et Huck par-dessus le marché.

— Eh bien, laisse-moi grimper sur ton dos.

— Comment ! tu es déjà fatigué ? demandai-je à mon tour.

— Ne t’inquiète pas de moi. En route, Jim !

Un quart d’heure après, nous étions à bord de mon canot, que nous avions caché dans une petite crique, un peu au-dessus de la scierie, juste en face de l’île des Saules. Pendant que Jim ramait, je tenais le gouvernail, et il nous fallut près d’une demi-heure pour atteindre le radeau.