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petite motte de beurre qu’il avait posée sur une galette de maïs. Je soufflai ma lumière, me gaudissant de pouvoir montrer à Tom que je n’étais pas seul en faute. Au même instant, tante Sally sortit de la salle à manger, une lampe à la main. J’eus à peine le temps de fourrer la galette et le beurre sous mon chapeau.

— Qu’es-tu allé faire dans l’office ? me demanda-t-elle.

— Rien, ma tante.

En général, elle se contentait de ces réponses-là ; mais, depuis trois jours, la moindre chose la mettait sens dessus dessous.

— Rien ? répéta-t-elle. C’est pour rien que tu te promènes à une pareille heure ? J’en aurai le cœur net ; entre là et attends-moi.

Elle ouvrit une porte et me poussa dans le parloir. Je vis alors que la lettre de Tom avait produit son effet. Une quinzaine de fermiers, dont chacun était armé d’un fusil, attendaient aussi quelqu’un. Ils ne paraissaient pas trop à leur aise. À chaque instant, ils ôtaient et remettaient leur chapeau, se grattaient la tête, ou tiraillaient un des boutons de leur habit, en essayant de se donner un air crâne. Ils me connaissaient tous et continuèrent à causer à voix basse sans s’occuper de moi. Je m’affaissai sur la première chaise qui se trouva derrière moi ; mais, en dépit de mon inquiétude, je me gardai bien de retirer mon chapeau.

Tante Sally revint au bout d’une minute ou deux et m’adressa un tas de questions. La peur m’empêcha de répondre comme il aurait fallu, car je tremblais pour Tom. Les fermiers discutaient de leur côté et parlaient d’aller se mettre en embuscade dans la hutte au lieu d’attendre l’arrivée des Ravageurs. Il commençait à faire joliment chaud dans ce parloir, ou peut-être était-ce moi seul qui avais trop chaud ; en tout cas, le beurre se mit à fondre et à me couler le long des joues.

— Bonté du ciel ! Qu’a donc cet enfant ? s’écria tante Sally, qui devint toute pâle. Quelle maladie est-ce là ? Je ne l’ai jamais vu transpirer comme ça — on dirait de l’huile.

Elle enleva mon chapeau, me laissant coiffé de la galette et de ce