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au lieu de graisser les épaules du nigaud qui venait d’effaroucher la fleur du troupeau !

Quant aux chenilles et aux araignées, notre collection ne laissait rien à désirer, Tom aurait voulu y ajouter un nid de guêpes ; mais la famille faisait bonne garde, et nous dûmes lever le siège après avoir reçu des piqûres qui nous ôtèrent l’envie de les apprivoiser. En fait de serpents, il n’y avait guère que des couleuvres dans le bois voisin. Nous en fourrâmes deux douzaines dans un sac que je portai dans notre chambre. L’heure du souper avait sonné et nous avions assez travaillé pour nous sentir en appétit.

Eh bien, lorsque nous remontâmes, nos serpents s’étaient éclipsés. Tom avait bien ficelé l’ouverture du sac, la ficelle tenait toujours, et pourtant le sac se trouvait vide. Comment les couleuvres avaient-elles fait pour sortir sans dénouer la corde ? Si je le savais, je vous le dirais. Après tout, elles avaient beau se cacher, elles ne pouvaient être bien loin, et nous espérions les rattraper sans avoir à battre les buissons. En effet, si elles ne se montrèrent pas ce soir-là, elles se promenèrent du haut en bas de la maison le lendemain et les jours suivants. Elles étaient très jolies et pas plus méchantes qu’une mouche ; mais tante Sally ne les aimait pas, qu’elles fussent vertes, jaunes ou grises, rayées ou mouchetées. Elle ne les aurait pas touchées avec des pincettes.

À la vue d’une seule de ces petites bêtes, elle se sauvait en criant comme si le feu avait pris à ses jupes. Même lorsque la dernière couleuvre eut disparu — il ne nous en manquait que deux ou trois — il n’y avait qu’à chatouiller la nuque de tante Sally avec un brin de duvet pour la faire sauter jusqu’au plafond. C’était très curieux ; mais Tom me dit que toutes les femmes sont comme ça. Heureusement Sambo affirma qu’il suffit qu’un serpent se faufile dans une maison pour en attirer des centaines, de sorte que nous ne fûmes pas mis en cause.

Jim eut bientôt assez de compagnons de captivité pour contenter le prisonnier le plus exigeant, ce qui ne l’empêcha pas de bougonner. Du