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XXIX
le tunnel.


Ce soir-là, lorsque tout le monde fut endormi, nous descendîmes dans la cour en prenant encore pour escalier le conducteur du paratonnerre. Cinq minutes plus tard, enfermés dans l’appentis, nous nous mettions à l’œuvre à la faible lueur du bois phosphorescent que nous avions tiré du sac. Notre premier soin fut de déblayer un espace de cinq à six pieds vers le milieu du mur de bûches.

— En creusant là, me dit Tom, nous arriverons juste sous le lit de Jim, et personne ne se doutera que le cachot est miné ; la couverture du prisonnier traîne à terre et j’espère qu’on ne s’avisera pas de la soulever.

— Quand même il n’y aurait pas de couverture, répliquai-je, on ne verrait pas le trou ; il fait trop noir dans la hutte.

— S’il n’y avait aucun risque à courir, je ne m’en mêlerais pas, riposta Tom en frappant du pied. Tu m’impatientes, à la fin !

Comme je ne voulais pas l’impatienter, je me tus. Nous travaillâmes jusqu’à près de minuit. Il n’y a rien de fatigant comme de creuser la terre avec un couteau ; les paumes de nos mains étaient semées d’ampoules et le tunnel n’avançait guère.

— Ce n’est pas une besogne de trente-sept ans, Tom, dis-je enfin. À ce train-là, il nous en faudra bien trente-huit.

Il cessa à son tour de creuser.

— Tu as raison, Huck, répliqua-t-il au bout d’un instant, après avoir poussé un gros soupir. Nous n’en viendrons jamais à bout de cette façon. J’ai oublié une chose. Un prisonnier a toujours assez de temps devant lui ; il creuse avec n’importe quoi sans s’abîmer les doigts,