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La dispute ne dura guère et ce ne fut pas moi qui eus le dernier mot.

Ce jour-là, nous commençâmes nos préparatifs d’évasion. Tom profita d’un moment où la cour était déserte pour porter le sac dans l’appentis, pendant que je montais la garde. Il ne tarda pas à me rejoindre, puis nous allâmes nous asseoir sous les arbres pour causer à notre aise.

— Tout a bien marché jusqu’à présent, me dit Tom ; il ne nous reste plus qu’à trouver des outils convenables.

— Il me semble qu’il y a là-bas plus de pioches qu’il n’en faut. Pourquoi ne pas s’en servir ?

Tom me regarda d’un air de pitié.

— Huck Finn, me demanda-t-il, depuis quand fournit-on des pelles et des pioches à un prisonnier ? Autant vaudrait lui remettre tout de suite la clef de son cachot ! Quel mérite aurait-il à s’évader, alors ? Non, non, ce sont là des outils qu’on ne fournirait pas même à un roi.

— Si tu ne veux pas des pioches, que te faut-il ?

— Deux couteaux de table.

— Pour creuser un trou sous la hutte ? C’est bête.

— Non, ce n’est pas bête, c’est le vrai moyen, le moyen le plus usité ; il n’y en a guère d’autre, du moins dans les histoires que je connais. Les prisonniers creusent toujours avec un couteau, et pas dans la terre encore ! En général, ils ont à percer un mur de pierre et je te laisse à penser si c’est facile. Sais-tu combien le fameux prisonnier du château d’If, dans le port de Marseille, a mis de temps à creuser une galerie dans le roc ? Devine un peu.

— Un mois ? Deux mois ?

Trente-sept ans, Huck ! Je voudrais que Jim fût enfermé dans une forteresse comme celle-là !

— Moi, pas. Jim est trop vieux… pense donc ! Il ne durera pas trente-sept ans !

— Jim durera assez. Nous serons obligés d’aller plus vite que je ne voudrais. Pour bien faire, nous devrions y mettre au moins deux ans ;