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— Il n’y en a qu’une.

— Alors tu prendras celle-là.

— À quoi nous servira-t-elle, Tom ?

— Elle servira à Jim pour écrire ses impressions.

— Mais Jim ne sait pas écrire !

— Je ne te demande pas s’il sait écrire ou non. Il en sait assez pour tracer des marques sur la chemise, n’est-ce pas ? Nous lui fabriquerons une plume avec une cuiller d’étain ou un bout de fer.

— Laisse donc ! Les oies ne manquent pas ici et j’ai un canif.

Je garderais ma langue dans ma poche.
Je garderais ma langue dans ma poche.

— On croirait vraiment, à t’entendre, que les prisonniers n’ont qu’à allonger le bras pour empoigner une oie et lui arracher une plume ! Nigaud ! Ceux qui ont le plus de chance écrivent avec un clou ; mais, des fois, ils ne parviennent à se procurer qu’un vieux morceau de cuivre qu’il faut frotter contre le mur pendant des semaines pour le rendre assez pointu. Ils ne ramasseraient pas une plume, s’ils en voyaient une sous leur main, ce ne serait pas régulier.

— Et où trouvent-ils de l’encre ?

— On en fait tant qu’on veut avec de la rouille et des larmes ; mais c’est là l’encre des prisonniers ordinaires et des femmes. Les meilleures autorités écrivent avec leur propre sang ; tu prêteras ton canif à Jim et il se piquera avec. Quand il voudra apprendre à ses amis où il est enfermé, il n’aura qu’à griffonner avec sa fourchette sur un plat d’étain qu’il jettera par la fenêtre. Le Masque de fer a employé ce moyen, et ses plats étaient en argent.

— On ne donne pas de fourchette à Jim et je n’ai pas vu l’ombre d’une assiette, même en étain, dans le panier.

— Bah ! il y en a assez dans les cabanes des nègres.