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— Il vous connaît ! s’écria Sambo, qui était entré derrière nous.

Tom fit aussitôt volte-face et lui demanda d’un ton surpris :

— Qui est-ce qui nous connaît ?

— Parbleu, le nègre évadé.

— Lui ? En voilà une idée !

— Ne vient-il pas de crier qu’il vous connaît ?

— Par exemple, c’est curieux ! répliqua Tom d’un air intrigué. Qui donc a crié ? Quand a-t-on crié ? Qu’a-t-on crié ?… As-tu entendu quelque chose ? ajouta-t-il en s’adressant à moi.

Naturellement, je répondis :

— Non, je n’ai rien entendu.

Alors Tom se tourna vers Jim, le contempla comme s’il ne l’avait jamais vu de sa vie et lui demanda :

— As-tu crié, toi ?

— Moi, massa ? Non, je n’ai pas dit un mot.

— Pas un mot ?

— Non, massa, pas un seul.

— Nous connais-tu ?

— Non, massa ; pas plus que vous ne connaissez le vieux Jim. Là-dessus Tom regarda d’un air sévère le vieux Sambo, qui semblait ahuri.

— Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il. As-tu vraiment supposé que quelqu’un avait crié ?

— Pour sûr, j’ai entendu dire : « Bonté du ciel ! est-ce vous, massa Tom ? »

— Tu vois bien que personne n’a ouvert la bouche. Tu as cru entendre, cela arrive à tout le monde.

— Non, cela n’arrive qu’à moi. C’est un tour des sorcières.

— Comment, Sambo, tu donnes dans ces bêtises ? Si je t’offrais un demi-dollar, croirais-tu qu’on t’a jeté un sort ?

— Non, répliqua le nègre dont les yeux brillèrent, ou, du moins, je trouverais qu’on ne m’a pas jeté un mauvais sort.