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aboyaient à qui mieux mieux, allongeant le cou et le museau. Et il en arrivait d’autres !

Par bonheur, une négresse sortit à temps de la cuisine, un rouleau de pâtissier à la main.

— Veux-tu te taire, Tige ! Veux-tu te sauver, Spot !

Aussitôt toute la meute détala. Une minute après, elle revint, remuant la queue et prête à me lécher les mains. Au même instant, une dame de quarante à quarante-cinq ans se montra sur le seuil de la maison, suivie de deux enfants qui se cachaient derrière ses jupes et me regardaient d’un air intimidé.

— Que signifie ce tapage ? demanda la dame.

Mais, dès qu’elle me vit, son visage s’épanouit et elle accourut en s’écriant :

— C’est donc toi, enfin !

— Oui, madame, c’est moi, répliquai-je machinalement.

Alors la voilà qui me prend dans ses bras et me serre à m’étouffer. Quand elle eut fini de m’embrasser, elle me lâcha et s’éloigna un peu pour me mieux regarder.

— Tu ne ressembles pas trop à ta mère, dit-elle après m’avoir dévisagé. N’importe, je suis bien heureuse de te revoir. Mes enfants, c’est votre cousin Tom, dites-lui bonjour.

Les enfants, au lieu de me souhaiter la bienvenue, se fourrèrent un doigt dans la bouche et se firent un rempart de la robe de leur maman.

— Lise, continua celle-ci, dépêchez-vous de lui apprêter un déjeuner chaud. Il doit avoir faim, s’il n’a pas déjeuné à bord.

— Ce n’est pas la peine, dis-je, j’ai déjeuné.

Là-dessus, elle m’emmena dans la maison, tandis que les enfants s’accrochaient à ses jupes. Lorsque nous fûmes dans le parloir, elle m’installa sur un fauteuil et s’assit en face de moi sur un tabouret, me tenant par les deux mains.

— Là, que je te regarde à mon aise ! Je crois que je te mangerais,