tenait peut-être pas au propriétaire de la scierie et je ne voulais pas être surpris rôdant autour des bâtiments.
Eh bien, devinez sur qui je tombai en tournant le premier coin de rue ? Sur le duc ! Il était en train de coller une affiche qui annonçait au public que le célèbre Kean donnerait le soir même et les deux soirs suivants une représentation du Caméléopard ! Il sembla d’abord très étonné, puis très satisfait de me retrouver.
— Je te croyais déjà loin, dit-il. Où est le radeau ? L’as-tu caché dans un bon endroit ?
— C’est justement ce que j’allais vous demander, répliquai-je d’un ton de mauvaise humeur.
Alors il sembla moins content.
— À moi ! s’écria-t-il.
— À qui voulez-vous que je le demande ? Hier, lorsque j’ai vu le roi dans ce cabaret, je me suis dit : Le duc ne pourra pas l’emmener de sitôt. Alors, pour passer le temps, je me suis mis à flâner. Un homme m’a offert 40 cents pour l’aider à emballer du coton. Naturellement, j’ai accepté. Après, je suis allé me reposer dans le petit bois en vous attendant. Jim devait m’appeler à votre retour. Le sommeil m’a pris et quand je me suis réveillé, plus de Jim, plus de radeau ! Qu’est devenu Jim ? Qu’est devenu le radeau ?
— Je n’en sais rien, du moins pour ce qui concerne le radeau. Ce vieil ivrogne a fait là-haut un marché qui a rapporté 40 dollars, et à mon arrivée, il les avait déjà reperdus au jeu. Lorsque j’ai pu le reconduire jusqu’à l’endroit où devait se trouver le radeau, nous nous sommes dit : Ce petit drôle nous l’a volé et nous a plantés là.
— Est-ce que j’aurais planté là mon nègre, le seul nègre que je possède au monde ?
— En somme, tu n’y as rien perdu ; sans papiers, tu ne serais jamais parvenu à le vendre. Le fait est que nous avions fini par le regarder comme notre propriété. Me voilà bien récompensé de la peine que je me suis donnée pour lui… Bah ! il y a des badauds partout et le camé-