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— Puisque vous êtes le frère aîné de Pierre Wilks, vous savez sans doute quel genre de tatouage il portait sur la poitrine ?

Si vous vous figurez que le roi s’avoua battu, c’est que vous ne le connaissez pas. Je crois qu’il voulait simplement gagner du temps afin de profiter de la première éclaircie pour prendre ses jambes à son cou. Toujours est-il qu’après avoir pâli un peu, il ébaucha un sourire et répliqua effrontément :

— Oui, monsieur, je le sais. Mon frère, avant son départ pour l’Amérique, s’était tatoué une petite flèche sur la poitrine.

— Vous entendez ? dit le vieux gentleman à Ab Turner. Avez-vous vu cette flèche ?

Ab Turner et son camarade secouèrent la tête.

— Non, n’est-ce pas ? Mais vous avez dû voir les initiales de son nom, un P et un W ?

Les deux témoins déclarèrent qu’ils n’avaient pas remarqué la moindre initiale sur la poitrine du défunt. On commençait à se fâcher et à crier : « Ce sont tous des voleurs ! Ils ne valent pas mieux les uns que les autres ! Jetons-les à l’eau », lorsque l’avocat sauta sur la table.

— Messieurs, messieurs, dit-il de façon à se faire entendre au-dessus du vacarme, veuillez m’écouter un instant, s’il vous plaît. Il y a un moyen fort simple de tirer la chose au clair. Au cimetière !

— C’est cela ! hourra ! en avant !

— Pas si vite, mes amis, dit le docteur. Emmenons ces hommes.

— Oui, oui, et nous lyncherons toute la bande, s’il n’y a pas de tatouage.

— En attendant, contentez-vous de les surveiller de près, sans les maltraiter. Je me charge du gamin.

On se dirigea tout droit vers le cimetière, qui se trouvait à un mille de l’hôtel. Il était neuf heures du soir et le temps tournait à l’orage, ce qui n’empêcha pas la foule de grossir à mesure que nous avancions. Je tremblais dans ma peau. Évidemment, on verrait que le roi avait menti et je passerais pour son complice. Je n’aimais pas à songer à