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— Non, Votre Grâce ; mais j’en ai vu sortir les deux nègres.

— Tous les deux ? Ensemble ?

— Oui.

— Quel jour ?

— Le jour de l’enterrement.

— Vous ont-ils parlé ?

— Non ; ils ne m’ont pas même vu ; j’étais en haut de l’échelle.

— Avaient-ils l’air content ?

— Je ne me suis pas trop occupé d’eux ; j’ai pensé qu’ils venaient de faire votre chambre.

— Ils n’auraient pas eu besoin de se mettre deux pour la faire.

— C’est vrai, je n’y songeais pas… Ce sont de bons nègres, allez ! Vous ne les auriez pas entendus marcher. Ils avaient ôté leurs souliers, parce qu’ils savaient que l’on n’aime pas le bruit dans une maison où il y a un mort.

— Voilà qui me paraît assez clair, s’écria le roi.

— Oui, ce n’est que trop clair, dit le duc. Et ces bons nègres qui semblaient prêts à s’arracher les cheveux, tant ils regrettaient de quitter le pays ! Nous avons donné dans le panneau comme les autres. Et on prétend qu’un nègre n’apprendra jamais à jouer la comédie ! Ces mauricauds-là sont des acteurs de premier ordre. Si j’avais un bailleur de fonds, je louerais une salle, je les engagerais, et ma fortune serait faite. Et vous les avez vendus pour quelques centaines de dollars que nous ne tenons pas encore ! Où sont les billets à trois jours qu’on vous a remis ?

— Dans mon portefeuille — nous toucherons les fonds demain.

— À la bonne heure ! mais je voudrais les avoir déjà touchés.

Je crus qu’ils allaient se mordre.

— Est-ce que vous êtes fâchés que les nègres soient partis ? demandai-je d’un air innocent. Est-ce qu’ils vous ont pris quelque chose ?

— Mêle-toi de ce qui te regarde, me dit le duc d’un ton rageur. Si