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— Oui, et quand un nègre rencontre un sac d’écus, il ne se gêne guère pour l’alléger. Vous avez raison ; cachons-le dans ma paillasse.

Il se mit aussitôt à fouiller sous le rideau, à deux ou trois pieds de l’endroit où je me tenais. Je me collai contre le mur, me demandant ce que je pourrais bien lui dire s’il me découvrait. Il rencontra ce qu’il cherchait avant que j’eusse eu le temps de trouver la moitié de ma réponse et ne se douta pas que j’étais là.

Enfin, après avoir soulevé le lit de plume, ils enfouirent le sac dans la paillasse.

— Les nègres ne retourneront que le lit de plume, dit le roi ; ils sont trop paresseux pour se donner la peine de remuer la paillasse plus d’une ou deux fois par an. Voilà notre argent à l’abri des voleurs.

J’aurais pu lui apprendre qu’il se trompait. Il n’était pas encore au bas de l’escalier, que j’avais déjà mis la main sur le sac. Je remontai dans mon grenier et je fourrai l’argent dans ma paillasse à moi. Mon intention était de le cacher en dehors de la maison, parce que je pensais que l’on furèterait dans toutes les chambres à la première alerte. En attendant, je me couchai sans me déshabiller ; mais je n’aurais pu dormir lors même que j’eusse essayé, tant j’étais tracassé. Au bout de deux ou trois heures — je ne sais pas au juste — j’entendis le roi et le duc qui remontaient. Je me glissai à bas de mon lit et, le menton appuyé sur le haut de l’échelle qui conduisait au grenier, j’écoutai jusqu’à ce que tout bruit eût cessé, puis je descendis après avoir eu soin de retirer mes souliers.