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— Pauvre homme, c’est triste de penser qu’il n’a pas vécu assez longtemps pour revoir ses frères. Les avait-on prévenus de sa maladie ?

— Oui, et comme on n’a pas reçu de réponse, cela prouve peut-être qu’ils sont en route.

— Où demeurent-ils ?

— À Sheffield, en Angleterre.

— Que font-ils ?

— William ne fait rien, parce qu’il est sourd-muet. Le vieux Harvey Wilks est pasteur d’une église presbytérienne.

— Est-ce que vous allez loin à bord du steamer ?

— Jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Mais ce n’est là qu’une partie du voyage. Je dois m’embarquer mercredi prochain sur un navire à voiles, et je ne m’arrêterai qu’à Rio-Janeiro.

— Un joli voyage ; je vous envierais, si j’étais plus jeune… Comment se nomment les trois filles de John Wilks ? Quel âge ont-elles ?

— Marie-Jeanne, la rousse, a dix-neuf ans, Susanne quinze et Joana quatorze. Joana a un bec-de-lièvre, ce qui ne l’empêche pas d’être aussi bonne que ses sœurs.

— Pauvres enfants, les voilà seules au monde !

— Soyez tranquille, elles ne sont pas trop à plaindre. Les amis de leur oncle sont là, et il n’en manquait pas. Il y a M. Hobson, le prédicateur baptiste ; et le diacre Lot Hovey, et Ben Racker, et Abner Shackelford, et Levi Bell, l’avocat ; et le docteur Robinson, et leurs femmes, et la veuve Bartley et… Il y en a d’autres ; mais, ce sont là les principaux.

Le roi ne cessa d’adresser des questions au bavard que lorsqu’il l’eut complètement vidé. Il finit par connaître Nantuck et les affaires des Wilks comme s’il avait été de la ville. Enfin il lui demanda :

— Pourquoi n’avez-vous pas attendu le steamer au passage, au lieu de faire une longue course à pied par une chaleur pareille ?

— Parce que les bateaux ne se donnent guère la peine de ramasser