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jeune homme : Pouvez-vous m’apprendre le nom de cette ville que nous venons de dépasser ?

— Parbleu, puisque j’y suis né. C’est Nantuck.

— Et où allez-vous, mon ami ?

— Au steamer, monsieur, et je voudrais déjà y être, car je suis si fatigué que j’ai dû m’arrêter pour me reposer.

— Je m’en doutais. Montez dans le canot alors. Là, ne vous occupez pas de vos valises, mon domestique s’en chargera… Adolphe, sautez à terre et aidez ce gentleman.

Adolphe, c’était moi, je le vis bien, et je sautai à terre. Quelques minutes après, nous nous remettions tous les trois en route. Le jeune homme se montra très reconnaissant de la corvée qu’on lui évitait.

— Quand je vous ai vu, dit-il au roi, après nous avoir remerciés, j’ai d’abord pensé : « C’est peut-être M. Wilks, et je suis fâché qu’il arrive trop tard. » J’ai vite reconnu que je me trompais, parce que vous remontiez le fleuve au lieu de descendre à Nantuck.

— En effet, je ne suis pas M. Wilks. Je m’appelle Blodjet, le révérend Alexandre Blodjet. N’importe, je n’en suis pas moins fâché que M. Wilks ne soit pas arrivé à temps.

— Oh ! il n’y perdra pas grand’chose en somme, attendu que l’héritage lui revient ; mais le vieux Pierre Wilks aurait donné jusqu’à sa tannerie pour voir ses frères avant de mourir.

Au mot d’héritage le roi avait dressé l’oreille, et il fit causer le jeune homme. Il apprit ainsi que feu Pierre Wilks avait en Angleterre deux frères qui n’étaient jamais venus aux États-Unis. Harvey Wilks était le plus vieux de la famille ; William n’avait que trente ou trente-cinq ans. Le quatrième frère, John, était mort l’année précédente à Nantuck, laissant trois orphelines sans ressources, car ses affaires à lui n’avaient pas prospéré.

— Mais elles hériteront aussi, je suppose, dit le roi.

— On ne sait pas. Pierre Wilks a tout légué à Harvey et à William dans une lettre où il leur recommande ses nièces.