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XVII
le caméléopard.


Le soleil était levé et nous ne songions plus à nous cacher. Le roi et le duc vinrent nous rejoindre. Ils avaient l’air assez engourdis, mais un bain les tira de leur torpeur. Après déjeuner, le roi ôta ses bottes, releva son pantalon et s’assit au bord du radeau afin d’apprendre par cœur son Roméo et Juliette. Ce fut vite fait. Ensuite le duc, après lui avoir montré vingt fois comment il devait dire chaque phrase, en lui indiquant les endroits où il fallait soupirer ou poser la main sur son cœur, se déclara satisfait.

— Rappelez-vous, dit-il, que Juliette est une jeune fille douce et langoureuse ; elle ne doit pas mugir comme un taureau, ou braire comme un âne ; elle doit roucouler le nom de Ro…o…méo d’une voix de tourterelle.

Le même jour, ils s’armèrent de deux épées, que le duc avait fabriquées avec des lattes, et répétèrent la scène du combat, qui me parut bien plus amusante que celle du balcon. Le duc s’appelait Richard III, et le roi Richmond. Ils n’y allaient pas de main morte ; la façon dont ils s’escrimaient et s’injuriaient vous coupait la respiration. Sa Majesté finit par faire un pas de trop en arrière et tomba dans l’eau ; puis ils se reposèrent en causant de leurs aventures dans ces parages.

— Capet, dit le duc après dîner, nous donnerons une représentation de premier ordre dès qu’une bonne occasion s’offrira. Seulement, il me semble nécessaire d’allonger un peu la sauce. Vous réciterez le fameux monologue d’Hamlet…

— Le fameux quoi ?

— Comment, le fameux quoi ? Shakespeare n’a rien écrit de plus