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XVI
un pirate converti.


Bridgewater se mit bientôt à m’adresser une foule de questions. Pourquoi ne voyagions-nous que la nuit ? Jim était-il un esclave fugitif ?

— Allons donc ! lui dis-je. Un nègre ne serait pas assez bête pour se sauver du côté du sud.

— C’est vrai, répliqua-t-il, et vous ne seriez pas assez bête pour l’aider… à moins qu’il n’y ait une récompense à toucher. Alors pourquoi vous cacher ?

— Ah ! voilà ! Mes parents sont morts de la fièvre dans le Missouri, où ils avaient des dettes. Tout payé, il m’est resté 16 dollars et notre Jim, que je ne voulais pas vendre. On me conseilla d’aller chez mon oncle, qui a une ferme au-dessous de la Nouvelle-Orléans. Une distance de 1 400 milles avec 16 dollars en poche ! Cela ne nous aurait pas menés loin à bord d’un steamer. Par bonheur la chance s’en est mêlée. Dans la dernière crue, j’ai mis le grappin sur ce radeau. Seulement nous rencontrions des gens qui refusaient de croire que Jim est à moi. Il y a plus de danger peut-être à voyager la nuit ; mais au moins on ne nous tracasse pas.

— Je comprends, dit le duc. Une centaine ou deux de dollars à empocher, cela tente toujours. Laissez-moi faire. Je trouverai un moyen qui nous permettra de naviguer sans craindre les curieux. Pour le moment, inutile de se creuser la cervelle. Il serait malsain de nous montrer aujourd’hui dans le voisinage de cette ville.

L’après-midi était déjà avancé lorsque les feuilles commencèrent à frissonner et des éclairs de chaleur partirent de tous les côtés. On