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volontairement chez son oncle, lequel l’avait appelée. Comme pour confirmer mon assertion, on voit paraître au loin le pasteur. À sa droite marche miss Sophie — ce qui fait pousser des cris de joie aux Grangerford — et à sa gauche se tient Harry Shepherdson, ce qui les fait rugir. Que va-t-il se passer ? Je suis tenté d’aller rejoindre Jim et de m’enfuir sur l’heure avec lui.

Jim me serra dans ses bras.
Jim me serra dans ses bras.

Le pasteur s’embarque à bord d’un canot avec les deux jeunes gens dont il est escorté, et les voilà sur le rivage. Le pasteur s’avance, tandis que le jeune Harry lève les bras pour montrer qu’il n’est pas armé. Les deux frères causent longtemps ensemble avec animation. Le pasteur fait alors un signe et miss Sophie s’approche avec son compagnon, dont le colonel serre la main. Je n’y comprends rien ; mais bientôt tout s’explique. Grangerford et Shepherdson se dirigent vers la maison, conduits par le vieux pasteur, radieux de son œuvre de paix. Oui, la paix était faite et j’y avais un peu contribué, sans m’en douter. Miss Sophie et Harry Shepherdson s’aimaient depuis longtemps. Le digne pasteur, qu’ils avaient pris pour confident, venait de mettre fin à la vendetta en unissant les deux jeunes gens[1].

On gagnait l’habitation et je demeurais immobile à la place où je me trouvais.

— Ne viens-tu pas ? me demanda Georges au passage.

— Oui, répondis-je, je te suis.

Au lieu de le suivre, je restai à réfléchir. Je songeais à partir ; cependant j’aurais voulu, sans révéler mon dessein, prendre au moins congé

  1. Ces mariages à la minute sont assez fréquents aux États-Unis, où le consentement des parents n’est pas nécessaire. (Note du traducteur)