Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
XIV
une vendetta américaine.


Le colonel Grangerford.
Le colonel Grangerford.

Le colonel Grangerford, le père de Georges, servait dans la milice et se tenait aussi raide que s’il marchait à la tête de son régiment. Grand et sec, il avait un teint basané, des lèvres et des narines très minces. Sous ses épais sourcils et son front bombé, ses yeux semblaient étinceler comme au fond d’une caverne. Ses cheveux, encore noirs, lui descendaient tout droit sur les épaules. Il se rasait tous les matins, ne laissant pas l’ombre d’une barbiche. Son costume — je ne l’ai jamais vu en uniforme — faisait mal aux yeux, tant il était blanc, et il le changeait chaque jour. Il élevait rarement la voix ; mais, des fois, quand il vous regardait d’un certain air, on aurait voulu être loin. Si, par hasard, quelque chose allait de travers, il fronçait les sourcils et tout rentrait dans l’ordre pour longtemps.

Le matin, lorsque M. et Mme Grangerford descendaient au salon, chacun se levait et personne ne reprenait son siège avant qu’ils fussent assis. Alors, Robert allait à un buffet où se trouvaient les carafes, préparait un verre de bitter et le présentait à son père. Le colonel tenait son verre à la main jusqu’à ce que les deux jeunes gens eussent rempli le leur ; alors ceux-ci saluaient en disant : « Monsieur, madame, nos respects. » Les vieillards