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chercher un autre toit tant que je me conduirais bien, et on alla se coucher.

Georges, dont j’avais partagé le lit, me réveilla plus tôt que je n’aurais voulu. Il tenait à me montrer sa maison. C’était une très belle maison. Il n’y en avait pas de plus belle à Saint-Pétersbourg, ou du moins de plus grande ni de mieux meublée.

Sur la cheminée du salon on voyait une pendule que Georges n’aurait pas donnée pour tout l’argent du monde. Il me raconta que depuis qu’un horloger ambulant l’avait nettoyée et réglée, elle se mettait souvent à sonner cinquante fois de suite sans être fatiguée.

À droite et à gauche de la pendule s’étalaient deux grands perroquets qui ne ressemblaient pas à des oiseaux ordinaires. Je crois qu’ils étaient en craie peinte. À côté d’un des perroquets il y avait un chat, et à côté de l’autre un chien en faïence ; quand on pressait la main dessus, ils miaulaient — le chien surtout. Seulement, ils n’ouvraient pas la bouche — ils miaulaient en dessous.

Sur la table du salon, recouverte d’une belle toile cirée, il y avait une superbe corbeille en faïence remplies de pommes, d’oranges, de pêches et de raisins plus rouges et plus verts que de vrais fruits. Aussi n’étaient-ils pas vrais, et on s’en apercevait tout de suite, parce que les couleurs s’étaient écaillées par endroits.

Les gravures accrochées aux murs ne me semblèrent pas très neuves, bien qu’on les eût mises sous verre pour les empêcher de jaunir. C’étaient, pour la plupart, des Washington, des La Fayette et des batailles, comme on en voit partout. Mais il y avait trois autres images que Georges admirait beaucoup plus et qu’il appelait des pastels. Une de ses sœurs, morte depuis longtemps, les avait dessinés elle-même quand elle n’avait pas encore quinze ans. Pour ma part, je me passerais bien de pastels, car ça manque de gaieté.

L’un d’eux représentait une femme en grand deuil qui se penchait sous un saule pleureur, à deux pas d’une pierre tombale, les bras ballants, un mouchoir bordé de noir dans une main et un joli sac à