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se frottait les yeux d’une main, tandis que de l’autre il traînait derrière lui un fusil.

— Il y a donc des Shepherdson qui rôdent autour de la maison ? demanda-t-il.

— Non, c’est une fausse alerte.

— Tant pis, j’en aurais peut-être abattu un.

On se mit à rire et l’un des grands frères dit au nouveau venu :

— Tu serais arrivé trop tard, Georges ; ils auraient eu le temps de nous scalper tous.

— À qui la faute ? On ne me prévient jamais assez tôt ; ce n’est pas bien.

— Ne te désole pas, répliqua le père ; les Shepherdson savent déjà qu’il faut compter avec toi et les occasions ne te manqueront pas. En attendant, obéis à ta mère.

Georges me conduisit dans sa chambre, au premier étage. Là, il m’eut bientôt trouvé une chemise, un pantalon et une jaquette. Pendant que je m’habillais, il me demanda comment je m’appelais ; mais, au lieu de me laisser le temps de répondre, il se mit à faire l’éloge d’un geai bleu qu’il avait attrapé la veille dans les bois ; puis, il me dit tout à coup :

— Où se trouvait Moïse quand il éteignit la chandelle ?

— Je connais l’histoire de Moïse ; mais on ne m’a jamais parlé de ça.

— Cherche un peu.

— Quelle chandelle ?

— N’importe laquelle… Tu ne devines pas ?

— Non.

— Eh bien, il se trouvait dans l’obscurité.

— Si tu avais ri plus tôt, j’aurais deviné.

— Tu crois ? … J’espère que tu vas demeurer avec nous… J’ai un fusil et des lignes à pêche. Je te les prêterai… Tu dois avoir eu peur de te noyer ? Moi, je nage comme un poisson, mais je n’aimerais pas tomber à l’eau la nuit… Tiens, passe cette jaquette ; on dirait qu’elle a été faite pour toi… Allons, te voilà prêt, descendons.