Au bout d’une minute, qui me parut longue, on cria par la fenêtre, et les chiens cessèrent d’aboyer.
— Qui est là ? demanda une voix.
— C’est moi, Huck Finn, répondis-je.
— Connaissez-vous les Shepherdson ?
— Non, monsieur.
— Pourquoi rôdez-vous par ici à cette heure ?
— Je ne rôde pas ; ce sont vos chiens qui m’ont arrêté. Je ne suis qu’un gamin. Un steamer a coulé mon radeau et je viens de gagner la côte à la nage.
— Si vous dites la vérité, vous n’avez rien à craindre… Réveillez Thomas et Robert, vous autres.
J’entendis qu’on remuait dans la maison, puis je vis briller à une croisée ouverte une lumière qui ne tarda pas à disparaître.
— À quoi songez-vous, Brigitte ? reprit la voix qui m’avait interpellé. Posez la lampe par terre. Si nous avions affaire à un Shepherdson, vous lui auriez donné beau jeu… Vous êtes seul, Huck Finn ?
— Oui, monsieur.
— Allons, il ne sera pas dit que la crainte d’un guet-apens m’ait fait refuser l’hospitalité à un enfant. Si quelqu’un vous accompagne, il aura tort de se montrer, car nous voilà prêts à recevoir une douzaine de Shepherdson. On va vous ouvrir, vous pousserez vous-même la porte juste assez pour passer et sans trop vous presser.
Je ne me pressai pas trop. Je n’aurais pas pu, quand même j’en aurais eu envie. C’était à peine si j’osais poser un pied devant l’autre.