Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
XII
remords.


Après avoir dormi pendant presque toute la journée, nous nous remîmes en route vers la tombée de la nuit. Notre départ fut retardé par le passage d’un radeau qui n’en finissait pas et qui mit autant de temps qu’une procession à défiler. Quatre rameurs se tenaient à chaque bout et il devait porter au moins trente hommes. Les tentes d’abri ne manquaient pas. Au milieu, un feu de camp ; aux deux extrémités, un long mât à banderoles destiné à accrocher les lanternes. Ah ! on était fier de faire partie de l’équipe d’un pareil radeau.

Nous descendîmes au gré du courant une grande courbe du fleuve, qui était très large en cet endroit, avec des rives boisées où aucune lumière n’annonçait la présence d’un habitant. Jim se mit à parler du Caire et il me demanda si je reconnaîtrais l’endroit, une fois que nous y serions.

— Pour ça, non, répliquai-je, surtout la nuit. Il n’y a pas beaucoup de maisons au Caire, et si elles ne sont pas éclairées, nous ne devinerons même pas que nous passons devant une ville.

Jim dit que puisque deux fleuves se rejoignent là, nous saurions bien que nous n’étions plus loin des États libres.

— Oui, mais nous filerons peut-être dans l’Ohio sans nous douter que nous sommes sortis du Mississipi.

— Que faire alors, Huck ?

— J’irai à terre dans le canot dès qu’une lumière se montrera ; je raconterai que mon patron conduit un radeau au Caire et qu’il craint d’avoir dépassé la ville.

— L’idée me paraît bonne, répondit Jim. Il n’y a plus qu’à bourrer