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LES ANNALES ROMANTIQUES

J’étais blond, rose, imiberbe, infatigable, agile.
Pas poltron, et j’avais dans ma poche uin Virgile.
De hauts stipins groupés sur de grands rochers nus,
(rest la Mmrgthal ; un mont tout noir, c’est le Taunus.

Un fragment, qui a tout l’attrait d’une Chose vue, même d’une chose vécue, nous donne l’origine de la poésie publiée sous le titre : Question sociale ; Victor Hugo avait bien rencontré la petite abandonnée dont il trace le portrait ; il a seulement un peu vieilli cette enfant de dix-huit mois, dont il a fait une « Némésis de cinq ans » :

La petite fille, toute petite, rencontrée rue d)e® Cornets, pleurante, pieds nuis sur le j)avé glacé, chemisie trouée, yeux hagards. Elle criait désespérée et regardiait le ciel. Elle semblait faire : des reproches à l’infini, elle lui disait : Piouirquoi m’écrases-tu, moi, l’atome ? Qu’est-ce que je t’ai fait ? Elle était terrible et fatale. Euménide de dix-huiit mois ; Méduse au berceau.

Puis ce sont des fragments sur la mer :

Paroles du pêcheur — La Mer

… L’eau se lamente.
Lugubres visions ! parfois, dans la tourmente.
Une flamme se pose à la pointe des mâts.
Le vent a l’air d’un fou. Sous son lugubre amas,
Le nuage qu’emplit l’ombre extraordinaire
S’efforce d’étouffer la foudre, et le tonnerre.
Noir, tâche d’éventrer le nuage hideux.
L’hydre est sur le dragon ; ils se tordent tous deux ;
L’un vomit les éclairs, l’autre crache la pluie.
Le navire marche…
… Et voici le matin.
L’immense océan noir bleuit sous l’aube sombre.
La voile est dans le jouir, le navire est dans l’ombre
Puis tout s’éclaire.
Nappe de clarté sur la mer.
Le resplendissement immense de la mer.
Cette mélancolie immense de la mer.

Eruption — Tremblement de mer

La terre sous la mer remue autour du gouffre,
Sous l’Océan, percé par de longs jets du soufre,
La lave s’enfle, et gonfle à son souffle les flots.