tion qui convenait. Décidément, c’était un maître. Il n’y avait qu’à s’incliner.
Rouxval saisit son portefeuille et en tira un billet de banque. Mais son bras demeura en suspens, arrêté net par une phrase incisive :
— Rentrez ça, mossieu le Minisse, j’suis payé.
La dent luisait. Le gloussement reprit au fond de la gorge. La physionomie redevint féroce. Comment ne pas se rappeler les paroles goguenardes : « Quand un de mes supérieurs bafouille, j’ai-t’i pas le droit de rigoler un brin ? Ça me paye de mon travail. I’font un tel nez ! »
Le hasard voulut que Rouxval se vît dans une glace. Il dut avouer que l’expression de Petitgris n’avait rien d’excessif. Il enrageait.
— Vous frappez pas, monsieur le Ministre, dit le policier, plein de condescendance. J’ai rencontré des cas plus pendables. Votre grand tort, ç’a été de vous gouverner d’après la logique, et la logique de ce qu’on voit et de ce qu’on entend, faut s’en méfier comme de la peste. La vraie, c’est elle qui coule en dessous, comme certaines sources, et c’est justement quand elle est sous terre, et qu’on ne la voit pas, qu’il ne faut plus la lâcher de l’œil ! Or vous, à ce moment-là, vous avez perdu la boule. Au lieu d’examiner à fond la chose de la cérémonie et des huit poilus alignés dans la casemate de Verdun, vous vous êtes voilé la face ! « On n’évoque pas de pareilles scènes ! Toute parole est un blasphème !… » Mais, sacré nom, monsieur le Ministre, il fallait regarder au contraire, et réfléchir ! Vous auriez compris qu’il n’y avait pas mèche de frauder. Et Hercule Petitgris ne vous ferait pas la leçon aujourd’hui, dans votre cabinet de ministre de première classe !
Il s’était levé, et mettait sur son bras le pardessus verdâtre. La dent pointait de plus en plus. Rouxval en sentait la morsure, et il avait une forte envie de saisir le personnage au collet et de l’étrangler.
Il ouvrit la porte.