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LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

— Vous saviez donc ?…

— Parbleu, si je savais ! Monsieur le comte n’a plus qu’à mettre sa signature.

Rouxval interloqué déplaça l’annuaire, saisit la feuille, et lut :


« Je soussigné, comte de Bois-Vernay, reconnais qu’avec la connivence du sieur Lériot, j’ai procédé à un certain nombre de manœuvres susceptibles d’imposer à ma femme la conviction que notre fils était enterré sous l’Arc de triomphe. Mais j’affirme sur l’honneur qu’aucune tentative ne fut faite par moi, ni par le sieur Lériot, pour donner à mon malheureux enfant la place du Soldat Inconnu. »


Posément, tandis que Rouxval se taisait, le comte, qui semblait aussi étonné que lui, relut la lettre à haute voix, comme s’il en pesait chaque terme.

— C’est bien. Je n’ai rien à ajouter ni à retrancher. Je n’aurais pas écrit autre chose si j’avais rédigé moi-même cette déclaration.

D’un geste résolu il signa.

— J’ai foi en vous, monsieur le Ministre. Le moindre doute causerait la mort d’une mère qui n’est, elle, coupable que de trop aimer. Vous me promettez donc ?…

— Je n’ai qu’une parole, monsieur. J’ai promis, je tiendrai.

Il serra distraitement la main de M. de Bois-Vernay, l’accompagna jusqu’à la porte sans dire un mot, ferma et revint vers la fenêtre où il se colla de nouveau le front contre la vitre.

Ainsi donc Petitgris avait deviné la vérité ! Dans le chaos ténébreux, plein d’obstacles et d’embûches, Petitgris avait discerné l’invisible sentier qui menait au but ! Rouxval en était à la fois confondu et furieux, et le plaisir qu’il éprouvait à voir cette affaire sous un autre jour s’en trouvait singulièrement amoindri. Il entendait derrière lui un menu gloussement qui devait