Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

— Maxime Lériot quittera la France. Un emploi lui sera réservé dans le sud de l’Algérie. Vous voudrez bien, j’en suis convaincu, lui fournir les fonds nécessaires.

— Et nous, monsieur le Ministre ?

— Vous partirez aussi, madame et vous. Loin de France, vous serez à l’abri de tout chantage.

— L’exil, alors ?

— Oui, monsieur, pendant quelques années.

Le comte regarda de nouveau sa femme. Malgré sa pâleur et son aspect fragile, elle donnait, elle, au contraire, une impression d’énergie et d’obstination réfléchie. Elle se porta en avant et, résolument :

— Pas un jour, monsieur le Ministre, dit-elle, pas une heure, je ne m’éloignerai de Paris.

— Pourquoi donc, madame ?

— Parce qu’il est là, dans la tombe.


La petite phrase qui constituait l’aveu le plus formel et le plus terrible se prolongea dans un silence effrayant, comme un écho qui répéterait, syllabe par syllabe, un message de mort et de deuil. Il y avait en Mme de Bois-Vernay plus qu’une volonté indomptable, il y avait du défi, et comme l’acceptation d’un combat qu’elle affectait de ne pas redouter. Rien ne pouvait faire que son fils ne fût point dans la tombe sacrée, et qu’il n’y dormît d’un sommeil que nulle puissance au monde ne troublerait jamais.

Rouxval se prit la tête entre les mains, d’un mouvement désespéré. Jusqu’à cet instant même, il avait pu, malgré toutes les preuves, garder quelque illusion et attendre une justification impossible. L’aveu le terrassa.

— C’est donc vrai, murmura-t-il… Je ne pensais pas… je n’admettais pas… Ce sont des choses en dehors de toute réalité…

M. de Bois-Vernay s’était placé devant la comtesse et la suppliait de s’asseoir. Elle l’écarta, prête