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LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

lores et les panoplies qui ornaient les murs de la chapelle ardente. Vous étiez là, et, par conséquent…

L’émotion interrompit l’apostrophe véhémente de Rouxval. D’ailleurs, avait-il besoin de dire des paroles plus précises pour que l’on devinât sa pensée secrète. Hercule Petitgris balançait toujours la tête avec une approbation visible, qui surexcitait l’ardeur et la conviction du ministre.

L’ancien adjudant ne soufflait mot. Comme des troupes qui cernent l’ennemi assiégé, les phrases d’abord hésitantes, puis vigoureuses et logiques de Rouxval avaient investi l’adversaire avant qu’il n’y prît garde. Le comte écoutait et observait sa femme d’un air soucieux.

Rouxval dit à voix basse :

— Jusqu’ici, même au plus profond de moi-même, je n’avais eu que des pressentiments vagues, et jamais encore un soupçon nettement formulé. Je redoutais de comprendre, et c’est avec le même état d’esprit craintif, effaré, que je cherchai les preuves de ce que je ne voulais pas savoir. Elles furent implacables. Je vais les énumérer dans leur ordre chronologique, et brièvement, sans aucun commentaire. Elles proclament d’elles-mêmes, par leur simple exposé, la série des faits qui s’enchaînent et des actes qui furent accomplis. Ceci d’abord. Le jour de la Toussaint, puis le 3 novembre, le 4 et le 5, l’adjudant Lériot, dont je réussis à reconstituer exactement la vie quotidienne, se rendit, le soir venu, dans une auberge isolée, où il rencontra un monsieur et une dame avec lesquels il demeura en conférence jusqu’au dîner. Ce monsieur et cette dame venaient en auto, paraît-il, d’une grande ville proche où ils habitaient un hôtel dont on me donna l’adresse. J’y allai et demandai le registre. Du 1er  au 11 novembre 1920 avaient séjourné en cet hôtel le comte et la comtesse de Bois-Vernay.

Un silence. Le pâle visage de la comtesse se creu-