— Eh bien ! c’est dit, conclut Bourdel. Et pour les conditions, ce sera à votre plaisance.
Sur ce, Eudes prit congé, en serrant les mains à la ronde, avec, à la dérobée, une tendre œillade à la jolie Denise, dont il eût volontiers abrégé le veuvage.
Le grand valet s’offrit à donner un coup de main au marchand pour décharger. Mais l’homme s’y opposa catégoriquement. « Je ne permettrai pas… C’est trop de bonté… C’est de la marchandise délicate… » et autres balivernes à rembourrer les dents creuses.
De fait, les bourris furent bientôt déchargés, à belle vigueur de bras, et le marchand déclara qu’il s’allait coucher tout de suite. Malgré les habitudes de bien vivre que son teint rosé, sa tenue, son linge, ses breloques pouvaient faire supposer, il sembla prêt à s’allonger sans façons sur une botte de feurre (foin) dans la querretrie même. Mais Bourdel ne l’entendait pas ainsi. Ses instances et courtoisies d’hôte furent si vives que l’ânier dut accepter au moins de casser une croûte avant de souhaiter la bonne nuit. Il se plaça à table en face de la fenêtre.
La petite Denisette, en entendant parler de sucre, avait dressé l’oreille, ou si mieux aimez, léché sa languette. C’était alors une friandise plus rare qu’aujourd’hui. Les bourgeoises les plus cossues de Roumois ne sucraient guère leur café ou leur compote qu’avec de la cassonnade. L’enfantine gourmandise était en grand émoi à s’imaginer cette bonne chose, par monceaux si près !
Elle restait hésitante, comme une poule sur une patte, au bord de la querreterie, sans que l’ânier la pût voir. Car elle était beaucoup plus petite que l’appui de la croisée ; lui était assis, et le rayon de sa surveillance oculaire passait par-dessus la tête de l’enfant.
Enfin elle entra sur la pointe du pied et, avisant un panier au hasard, se dressa sur ses orteils pour atteindre le couvercle qu’elle tenta en vain de soulever. Alors une voix basse, partie des profondeurs de l’osier, chuchota :