Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/372

Cette page a été validée par deux contributeurs.

embrassant d’un coup d’œil l’affreux tableau, il ricane :

— Attends-moi surtout ! Deux minutes au plus. Je vais chercher les témoins qui t’ont vu gagner la première manche. Mais à moi la belle. Surtout, ne t’en vas pas quand j’invite des amis. Ne me joue plus de tour incivil.

Et il s’éloigna en raillant.

La malheureuse attendit la mort en bramant comme une biche blessée. En s’enfonçant dans les fourrés pour y choisir le lieu du supplice, Tricq n’avait pas vu que, s’il s’éloignait de la route d’Aizier, il se rapprochait de celle de Sainte-Croix. Un coquetier s’en allant au marché de Bourneville-en-Roumois avec sa carriole, perçut le bramement lugubre. Il saute à terre et, guidé par les gémissements, il découvre le corps nu, annelé de courroies. La malheureuse, qui prend ce sauveur pour un des séides de son bourreau, redouble de plaintes et de supplications, qui font deviner plus qu’entendre au paysan l’énigme du drame. Il la rassure, tranche les liens en trois coups d’eustache, emporte la jeune femme demi-morte jusqu’en sa querrête. Il fouette sa bête à tour de bras, il arrange son fardeau sur de la paille, tout au fond, sous la bâche. Il accumule devant elle le fouillis caquetant des cages à poulets.

À peine a-t-il ressaisi les guides que trois hommes, saillis du couvert, l’interpellent tous les trois.

— Eh ! coquetier !

— Eh ! l’homme !

— Halte ! As-tu vu une femme par ici ?

— Ah ! mes amis, réplique le bonhomme auquel le danger donne l’esprit d’à propos, que si, j’ai vu eune femme. Que si ! Et même qu’on s’y pouvait pas tromper. Car elle était nue comme un ver. A courrait aveuc un homme qui l’a hissée sur un bourril.

— Par où ?

— Parle !

— De quel côté ?