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l’amollissante maturité. La lèvre supérieure charnue s’estompe du précoce duvet des brunes chaudes. Denise n’a pas dans les yeux l’exquis orgueil conquérant des filles mariées selon le vœu de la chair, ni la tristesse non plus des amours contrariées, mais la gravité des jeunes épouses qui ont obéi et resteront fidèles.

— Allons, bruman, clama le père Bourdel, crochez la bru. Nous vous suivons.

Le couple prit la tête. Le violoneux de Saint-Aubin des rubans au capet, sa boîte sonore au menton, se mit à crisser de l’archet. Les invités entonnèrent, ceux de la tête, la vieille chanson du pays :

Adieu, Quillebœuf, le haut et le bas,
De te quitter, je ne puis guère,
Adieu, Quillebœuf, le haut et le bas,
De te quitter, je ne puis pas…


tandis que la queue du cortège discord répondait par un refrain de noces :

Vot’e fille, braves gens.
A’n’vos appartient pus.
DitesAllez-vos-en,
Dites à r’vouer à la bru.

Les mariés ne chantaient pas. L’homme avait l’épaisse encolure des trapus quadragénaires. En cheminant par la plaine, entre les avoines et les blés, il rappelait à sa jeune épouse tous les déboires de son pourchas amoureux.

C’était un mercelot comme on dit ès foires. Il courait de bourg en ville. Mais il en avait assez à la fin de changer tous les soirs de lit. Et, comme ça, il avait songé à se fixer depuis quelque temps. Mais quand il la demanda à son père, oh ! Bourdel le reçut comme un chien dans un jeu de quilles. Bon : il ne se laissa pas démâter. Il le rencontrait une quinzaine après à Honneur, près de la Lieutenance.

— Je ne suis qu’un porte-balle, comme vous l’avez dit, Maître Bourdel. Mais j’ai quelques sous. Si je