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— Bon répit ! fit l’homme. Tu dors ? Tant pis au réveil. C’est pas ton père ni ton chien qui te viendront à l’aide. Mais pour sûreté, tandis que je vais ouvrir aux amis, je t’enferme.

D’un pas assuré, il sortit de la chambre en fermant au dehors la porte à double tour.

La prisonnière entendit décroître le bruit des pas et d’un bond fut sur pieds. Il était temps que fût dénouée l’affreuse contrainte de son immobilité. Être impassible sous la main de l’égorgeur ! Elle sentait qu’elle n’aurait pu rester une seconde de plus sans hurler. Perdant toute prudence, elle se rua contre la porte, mais on usait alors de bonne grosse et loyale charpente. L’enfant nue meurtrit inutilement ses poings sur le chêne.

Cette porte avait été celle d’une cave aux temps de la léproserie. On l’utilisa pour la chambre de Denise. Les ferrures en étaient grossières, mais solides comme à l’huis d’une geôle.

Le père Bourdel naguère l’avait voulu remplacer. Car les mesures exactes en largeur étaient insuffisantes d’un quart de pied pour la hauteur. Mais maîtresse Bourdel lui dit :

— Laisse c’te porte : s’il y a du jour par en bas, ça fera une cattière (chatière),

Le trou du chat est sacré en Normandie. Maître Bourdel laissa la porte.

L’enfant prise au piège fut navrée par le cri de la chouette que son ouïe exercée lui révéla un signal. Déjà des pas montaient l’escalier. Instinctivement, sans réflexion préalable, elle tira deux verrous qui en bas et en haut fermaient la porte au-dedans, détail ignoré et négligé par le bandit, et auquel elle-même n’avait pas tout d’abord pensé, sa main ayant eu plus de part à ce geste que sa volonté. La clef tourna dans la serrure et le Chauffeur poussa la porte qui, à sa surprise, ne s’ouvrit point.

— Ah ! la garce ! mugit-il. Enfermée ! Elle ne dormait donc point !