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l’heure se pâmait sur le lit, qu’il ne pouvait les confondre l’une avec l’autre, et que, par-dessus ce cauchemar, il retrouvait d’elle toutes les douces images coutumières. Elle parlait, — et c’était sa voix d’autrefois, sa fraîche voix limpide, à peine un peu tremblante. Elle disait, avec une expression d’accablement :

— Voilà… Maintenant, je vais partir… Après ce qui s’est passé, n’est-ce pas… il faut bien que je parte !… Je ne voudrais pas que vous gardiez un mauvais souvenir de moi… Ce que vous avez fait pour moi, je ne l’oublierai jamais… Pour ce qui est de tout à l’heure, c’est un accident… Je ne peux pas vous expliquer… Et puis, à quoi bon ?… Je vous fais du mal, à rester là… Alors, le mieux, c’est encore que je parte !

— Vous… Vous allez… me quitter ?… balbutia M. Charibot.

C’était le dernier coup, — le plus dur !… — plus terrible que tous ceux qu’il venait de recevoir. Il serra les mâchoires pour briser un nouveau sanglot, et il ajouta :

— Si vous partez… si vous partez… alors… moi… je n’ai plus qu’à me tuer !

Le sentiment qu’elle regagnait la partie à l’instant même où elle la croyait perdue éclata en elle dans une explosion de joie. Elle la transposa en un cri, qui parut s’arracher du plus profond d’elle-même :

— Non !… Non !… Vous ne vous tuerez pas !… Vous tuer pour moi, vous !… Quand c’est moi qui devrais mourir de honte !… Non !… Non !… Vous vivrez !… Vous trouverez une autre amie… une amie, qui sera digne de vous !… Laissez-moi partir, monsieur Charibot, laissez-moi partir !…

Sans savoir ce qu’il disait, exprimant la stupeur qui l’accablait, il parla, presque pour lui-même :

— Qu’avez-vous fait ?… Qu’avez-vous fait ?… Vous que j’adorais… Vous que je respectais… comme une sœur… Qu’avez-vous fait ?