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n’y trouvait que des joies médiocres, et peu de profits. La rancune d’un agent des mœurs, qu’elle avait repoussé, lui avait valu d’apprécier, pendant quinze jours, l’hospitalité de Saint-Lazare. Elle en était sortie le matin même, et, se rappelant la religion de son enfance, elle était toute prête à admettre l’existence d’un Dieu de justice, qui lui adressait Anthelme Charibot par un miracle dont il fallait profiter… Si elle manœuvrait bien, sa situation était faite !

Lorsqu’elle pénétra dans ce logement banal, elle n’en remarqua pas la terne médiocrité. Elle vit une table et une bibliothèque Louis XV dont les dorures grossières l’éblouirent. Le large divan et les fauteuils de cuir lui donnèrent l’impression de la puissance bourgeoise et d’une émouvante sécurité. Elle admira, en silence, un vase de Gallé sur une sellette gothique, et la pendule à colonnades qui édifiait sur la cheminée ses pilastres et son fronton de temple grec. On marchait sur un tapis. Déférente, elle remarqua :

— C’est bien, chez vous.

— Ce n’est pas mal, n’est-ce pas ? dit Charibot flatté. Il manque seulement ces petits riens auxquels on reconnaît la présence d’une femme… de petites dentelles… de petits ouvrages… de petits coussins… Puis il la guida :

— Ici, c’est la cuisine. C’est aussi le cabinet de toilette. Il y a le gaz, pour mon déjeuner du matin. Je prends les autres repas au restaurant. Mais, si je veux, on me les porte à domicile… Ici, c’est ma chambre…

Il avait entrouvert la porte et, pudique, il se détournait. Mathilde passa la tête, et considéra… Une chambre Louis XVI, en acajou, avec une armoire à glaces biseautées, une table de nuit assortie, des rideaux de velours. Oppressée d’envie et d’admiration, elle soupira presque anxieusement ; et elle répéta :

— C’est bien, chez vous.

Il semblait à Charibot que l’extase le soulevait au-