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n’était pas une femme du monde !… Non !… C’était une professionnelle !… Mais vous savez, mon cher, ces femmes-là sont encore les seules qui sachent aimer… Quand vous allez au concert, sacrebleu, vous aimez mieux entendre un premier prix du Conservatoire qu’une petite pensionnaire qui lâche des notes fausses !…

— Oh ! ma foi, c’est bien vrai ! acquiesçait Claustre, peu contredisant.

— Oui… continuait Charibot, qui ne voulait pas laisser tomber la conversation. Oui… sûrement…

Et il avait l’air de méditer.

— Sûrement… une jolie femme !… Fine, longue, souple… vous voyez ?… Intelligente, par surcroît. On se figure que ces femmes-là… Mais non !… C’est une erreur !… Elles sont souvent plus cultivées que des bourgeoises… Réellement, vous savez !… Et quand on sait leur parler, qu’on leur témoigne de l’intérêt, de l’amitié, elles ont un élan de reconnaissance et de tendresse… Alors, il faut voir quelles amoureuses se révèlent !

— Sacré paillard !… Ah ! sacré paillard !… s’écriait Claustre. Et pas fatigué, avec ça !

— Peuh !… La tête un peu lourde… Une bonne séance de comptabilité, et je ne m’en apercevrai plus… Parole d’honneur ! En rentrant chez moi, je me sentais si allègre, si jeune… ma foi oui ! si jeune !… que j’ai fabriqué une fameuse tasse de café, je me suis assis à ma table, et j’ai versifié jusqu’à deux heures du matin…

C’étaient là les images de sa vie que revoyait M. Charibot, tandis que le métropolitain l’emportait, mêlé à la foule indifférente.

Jamais il ne montait dans un de ces wagons empestés et regorgeant de voyageurs sans espérer qu’il y trouverait l’aventure que tant d’autres se vantent d’y rencontrer. Mais il se faisait malaxer les côtes et écraser les orteils sans gloire et sans