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rue des Beaux-Arts, le bougnat à cinquante mètres. Ainsi, tous les efforts de la solidarité humaine aboutissaient à ce cinquième étage de la rue Jacob et à ce petit homme efflanqué, sans contours précis, dont le cœur brûlait obstinément d’un inutilisable amour.

Après avoir brossé ses vêtements et relustré ses bottines, il s’assit à sa table de travail, ouvrit un gros cahier cartonné, et, pour se replacer dans l’atmosphère, lut les derniers vers qu’il avait composés la veille :

Étincelle empruntée aux célestes pensées,
Qui des êtres vivants m’as consacré le roi,
Ô mon âme, pourquoi ces terreurs insensées ?
D’où naît donc ce divorce entre la terre et toi ?…

Il les lut plusieurs fois, mentalement d’abord, puis à voix haute. Il aimait ses vers, auxquels il trouvait une saveur lamartinienne. La plume a la main, il s’efforçait de ranimer en lui l’inspiration qui, d’un élan, lui dicterait ensuite la fin du développement. Mais l’idée fuyait. Il ne savait pas exactement ce qu’il voulait dire, quoiqu’il sût fort bien comment il voulait le dire. Encore deux mille alexandrins, et l’œuvre serait achevée. M. Charibot se récitait déjà l’article que Roger Lamirande lui consacrerait. Ce serait un premier-Paris du Figaro. Titre : Une Révélation. En termes simples, mais émus, Lamirande dirait :

« La poésie spiritualiste vient de s’enrichir d’un recueil de poèmes qui placent leur auteur, M. Anthelme Charibot, au rang des grands poètes de l’humanité. L’Âme Douloureuse… ainsi s’intitule ce livre qui fera battre tant de cœurs et couler tant de larmes. Tout blasé que je suis, je n’ai pu le lire sans me sentir bouleversé, aussi bien par la profondeur de la pensée que par la pureté et la sonorité de la langue. Mystique sans obscurité, psychologue sans sécheresse, pessimiste sans amertume, Anthelme Charibot analyse toutes les déceptions, tous les désespoirs, toutes