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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

glapit sa douleur. Le Conservatoire lui aura servi.

Et le choc au fond du trou. C’est bien la fin, définitivement la fin. Je n’aurai plus qu’à agoniser. Ah ! qu’on me laisse, qu’on me laisse !…

Mais les vivants sont impitoyables ! Ils torturent encore les trépassés ! Leur mal d’ostentation est incurable.

Les voilà qui se mettent à discourir par-dessus mon abîme. Ils parlent. Ils parlent, non pas pour moi, mais pour eux et c’est pourquoi c’est si long. À la durée du répit, je devine les palabres qui se succèdent à la tribune. Y a-t-il une tribune ?… Voici Hector Lantrain, en habit brodé de vert… voici le président de la Société Ésotérique… Voici le directeur de la Revue… voici X, l’inconnu, délégué du Ministre, ou le Ministre lui-même, l’inconnu de demain. Et voici des éclats de voix mâles, mes vers, rugis par un Sociétaire…

Fanfarons !… Cabots !… Menteurs !… Imbéciles !…

Mais quoi : encore un sifflet de locomotive ?… Encore Lucienne, ou bien… Ah çà ! mais, qu’entends-je donc ?… est-ce croyable ?…

Car j’entends !… j’entends une fusée, jaillie d’un gosier en délire ! Quel sourd ne toucherait-elle ! Quels murs ne franchirait-elle ! Quel cercueil ne perforerait-elle !…

— Arrêtez !… tas de goitreux, arrêtez !…

Ô mon Dieu !… c’est Lui !… Et je ris !… je ris follement !… je ris, d’une homérique allégresse immobile !…

CHAPITRE XI

C’est Lui !… Il m’a fait sortir du trou. Il m’a fait transporter, pas loin. Des marteaux rebondissent sur le bord de ma caisse. On dirait des bombes qui éclatent. Ça m’assourdit, ça me broye l’encéphale.