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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

de fondants, des montagnes de sacs ! Je t’en offrirais à te gaver, à te délabrer l’estomac !…

— Mais tu sais, Mamoiselle… restreignit-elle… part à deux !… Faut jamais être gourmande, Mamoiselle. C’est vilain, la gourmandise !…

Et rassurée d’avance, elle se demanda :

— Qu’est-ce que je vais te mettre pour aller dans le monde ?… Tu es ma maman ; tu peux pas t’habiller pézouille…

Ah ! cet argot, récolté de Tornada et passant par ce bec rose !…

Maintenant, elle enlevait la robe de bure, elle mettait à nu la carcasse du jouet. Lamentable contraste avec le visage évangélique : n’importe, son esprit en faisait chair valable, le squelette se transsubstantiait en sa gouvernante chérie. Puis elle choisissait dans son paquet de chiffons, les étoffes les plus éclatantes, les plus pailletées d’or et elle vous les troussait à la six-quatre-deux, mais ingénieusement, sur la forme.

Elle dressa son chef-d’œuvre :

— Plus religieuse !… femme du monde !… Attends, Mamoiselle, ne bouge pas, je vais t’apporter Pépito, pour te marier avec…

— Tu fais donc déjà des mariages !… s’esclaffa Tornada, qui venait de la recevoir dans les jambes, au moment où elle filait chercher son toréador.

Je me réjouis de la présence de mon ami. Peut-être venait-il avancer l’heure de ma résurrection. Maintenant que je tenais la raison de sa piqûre et que je ne pouvais plus penser qu’il l’avait faite en vue d’une réclame tapageuse, je lui en gardais une solide reconnaissance. Mais les expériences les plus courtes sont les meilleures, et j’espérais follement qu’il m’apportait la seconde liqueur magique, le 444 qui allait me ramener du royaume des Ombres dans celui des Mortels.

Pas encore, hélas ! Il ne s’intéressa qu’à Ninette. Il la prit dans ses bras avec une douceur surprenante