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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

narration de cette aventure macabre, qui devait, au début de ma première nuit mortuaire, me réserver bien des surprises encore.

CHAPITRE IV

Quand ces dames rentrèrent de conduire Tornada, elles se tinrent d’abord dans un coin de la pièce, à chuchoter des choses insignifiantes, bien qu’encore relatives au crêpe Georgette et à la bride blanche. Puis elles se rapprochèrent et Lucienne s’assit.

— Je suis brisée !

— Et tu vas passer la nuit ! Faut pas te détruire, mon chou. Si tu disais à Anna de veiller ?

— Tu crois ?

— Qu’est-ce que cela peut faire que ce soit toi ou une autre ?

— C’est qu’elle m’enverra sans doute promener, cette fille.

— Demande une garde, alors, une petite sœur des pauvres ?

— Il est trop tard.

Mais l’idée leur vint en même temps que l’on pouvait s’adresser à Mlle Robin, l’institutrice. Lucienne ne l’aimait pas. Elle la trouvait trop fière et en était jalouse, bien que cette parfaite gardienne de ma Ninette n’eût jamais donné prise au plus léger soupçon de coquetterie. Néanmoins Lucienne reconnaissait ses qualités et lui savait gré, au fond, de la décharger des soins de l’enfant.

Elles sonnèrent Anna.

— Mademoiselle Robin a dîné ?

— Mademoiselle a déclaré qu’elle ne dînerait pas.

— Tiens, qu’est-ce qui lui prend ?…

— Elle a la migraine.

— A-t-elle couché l’enfant ?

— Oui, et elle s’est retirée dans sa chambre.