rigea vers mon bureau contigu, je l’ai dit, à ma chambre à coucher.
Par la porte restée ouverte, je l’entendis réclamer au téléphone, installé sur ma table de travail :
— Ségur 102-90, je vous prie, mademoiselle.
Elle avait demandé ce numéro, sans le chercher dans l’indicateur et sans hésiter. Elle le connaissait donc par cœur et ne devait pas y recourir pour la première fois.
Elle attendit un moment, raccrocha le récepteur, le reprit, s’impatienta, fit jouer le déclic.
— Enfin, mademoiselle, je vous demande : Ségur 102-90.
Ségur 102-90, à qui donc pouvait appartenir ce numéro et qui réclamait-elle ?… Ce ne pouvait être sa maîtresse. Les chiffres de Ségur desservent les alentours de l’École Militaire et Lucienne, en me donnant l’emploi de son après-midi, comme elle le faisait chaque jour après déjeuner, ne m’avait pas fait prévoir qu’elle dût s’y transporter. Elle devait passer chez son dentiste, rue de l’Isly, près de la gare Saint-Lazare ; de là, aller essayer une robe, tout au voisinage, rue Pasquier, chez sa petite couturière ; et elle achevait son tantôt par une tasse de thé au domicile de son amie, Mme Godsill, cette charmante divorcée d’avec un magnat du caoutchouc, fameux en U. S. A. Ce n’était donc pas Lucienne qu’Anna appelait.
Ségur 102-90, ce ne pouvait être non plus Mlle Hélène Robin, l’institutrice de ma fille. Elle se trouvait au jardin des Tuileries avec l’enfant, comme tous les après-midi. Ninette, avant d’y partir, m’avait même remercié joyeusement d’un ballon qu’elle inaugurait ce jour-là. Je vais faire « Boum ! boum !… » m’avait-elle dit, en singeant le rebondissement de son jouet. Non : ni ma fille, ni sa gouvernante n’étaient au Ségur 102-90.
Alors, qui ?…
— Mademoiselle !… Ségur 102-90 !… Je vous