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Groucha. — À l’église. Je veux prévenir papa que tu es ici.

Nicolas. — Ne le dérange pas.

Groucha. — Et puis je prierai aussi pour celui qui m’a donné ma poupée et pour toi.

Nicolas. — Tu peux prier ici aussi bien et mieux que dans l’église. (Groucha s’agenouille devant l’icone.) Peut-on savoir ce que tu demandes ?

Groucha. — Oh ! Je n’ose pas… Je ne sais pas les prières… Je prie comme si je parlais…

Nicolas. — C’est la meilleure prière.

Groucha, priant. — Seigneur, rends la santé à Nicolas Ivanovitch… Il a été bon pour nous…

Nicolas. — Je me sens mieux.

Groucha. — C’est vrai, grand-père ?

Nicolas. — Oui ! Oui ! Ce que tu dis là, Groucha, c’est tout ce que j’espérais de l’existence.

Groucha, priant. — Il a beaucoup souffert… Aie pitié de lui, Seigneur. Et reçois au ciel son fils Boris… Il est mort depuis longtemps, grand-père ?

Nicolas. — Quelques jours.

Groucha. — Il doit être déjà arrivé au ciel, alors… Comment va-t-on là-haut ? On s’envole comme un oiseau, dis ?… Et c’est vrai que les méchants sont punis ? C’est vrai que les bons sont récompensés ? Tu dois le savoir, toi… Réponds-moi, grand-père… Réponds-moi… mais pourquoi ne réponds-tu pas ?

(Elle remue doucement le bras de Nicolas qui a un mouvement de pantin cassé. Groucha se recule. Elle appelle tout bas, puis plus fort : « Grand-père ! Grand-Père ! » Saisie de frayeur, elle ouvre la porte de l’izba pour aller appeler quelqu’un. On entend les chants de l’église.)


Rideau


L.-N. Tolstoï
Adaptation de F. Nozière
et J.-W. Bienstock.