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Nicolas. — Ma petite Groucha !

Groucha. — N’es-tu pas Nicolas Ivauovitch ?

Nicolas. — Oui !

Groucha. — Oh ! Pardonne-moi…

Nicolas. — Pourquoi ?

Groucha. — J’ai parlé avec toi comme si tu étais un paysan.

Nicolas. — Tu as bien fait.

Groucha. — Je t’ai appelé grand-père.

Nicolas. — Il faut encore m’appeler ainsi.

Groucha. — Je n’oserai plus.

Nicolas. — Tu veux donc me faire de la peine ?

Groucha. — Oh, non ! Mais alors ce n’est pas vrai ! Tu n’es pas malheureux ! C’est pour rire ?

Nicolas. — Si ! Je suis plus pauvre que toi.

Groucha. — Oh ! grand-père ! Ce n’est pas juste !

Nicolas. — Tu trouves ?

Groucha. — Ce n’est pas juste, parce que tu as toujours été si gentil ! Tu venais nous voir quelque fois. Tu nous parlais. Je me rappelle maintenant. Mais quel changement ! Et ce jeune seigneur qui est venu un jour avec toi ?…

Nicolas. — Qui donc ?

Groucha. — Je ne sais pas. C’était peut-être ton fils. Il est venu une fois, cet été. Comme un marchand passait, il m’a acheté une belle poupée. La voici. Je n’ai pas oublié…

Nicolas. — N’est-ce pas Boris ?

Groucha. — Oui… Oui… Tu l’appelais Boris…

Nicolas. — Il n’est plus.

Groucha. — Il a été malade ?

Nicolas. — Non ! Il a été soldat.

Groucha. — Il a été tué, lui aussi. C’est la guerre, hein, grand-père ?

Nicolas. — Même pas, Groucha : c’est la paix !

Groucha. — C’est pourquoi tu es triste et malade, grand-père ? Tu as perdu ton enfant ?

(Elle va vers la porte.)

Nicolas. — Où vas-tu ?